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Être Maître de son Art

Dernière mise à jour : 25 juil. 2020


Le musicien a cette particularité de solliciter trois centres énergétiques dans sa pratique artistique : le mental, l'émotionnel et le corps.

Le mental permet d'avoir une compréhension analytique d'une oeuvre, d'une structure musicale, mais aussi de savoir planifier, lire une partition comme une feuille de route, organiser son travail au quotidien, ses répétitions ou faire des choix importants au fil de sa carrière. Sans mental, impossible d'être visionnaire à court comme à long terme, pour soi ou tout projet artistique ou quel qu'il soit.


L'émotionnel est au coeur de son art. C'est par sa sensibilité qu'un musicien parvient à transmettre au monde la puissance qui habite chacun de nous. Cette sensibilité est aussi une porte d’accès à l’intuition dans l’interprétation ou l’improvisation d’une musique, cet instant où l'on "sait". L'irrationalité, c'est cet amour que l'on ressent à chaque note que l'on joue, chante, crée. Sinon pourquoi (et comment) transmettrait-on cette musique ? Dans son cheminement de musicien, cette sensibilité lui permet d'être à l'écoute la plus fine de ses sens et d'en devenir le virtuose. C'est aussi le charisme, le rayonnement et la singularité qui fait de chaque musicien une personnalité, même quand l'ego sait faire la place à l'oeuvre qui le traverse. 


Le corps, cette énergie vitale, celle du passage à l'action, fait d'un concert une performance, au sens noble du terme. Même un compositeur a besoin d'un minimum d'équilibre physique et surtout d'un élan vital pour stimuler sa créativité et maintenir son art dans sa vie. De même l'instrumentiste, le chanteur ou le chef d'orchestre font sans cesse l'expérience du dépassement de soi, que ce soit dans sa pratique quotidienne, ses voyages, ses enregistrements, ses auditions, ses répétitions, ses tournées, ses horaires parfois difficiles et décalées, son endurance, sa persévérance ou son travail sans relâche . Au-delà de l'image sportive, il y a surtout le geste : cette intention qui vient aussi du corps et qui précède souvent toute compréhension dans le rendu d'une musique. On parle d'une chose qui nous anime quand elle nous relie à cette énergie. Une musique a, elle aussi, cette faculté. Con anima, en nous connectant à l'âme, nous amène à la vie.


Lorsque ces trois centre énergétiques - corps, coeur, esprit - sont en bonne synergie, circulent et communiquent les uns avec les autres, le musicien a toutes les chances de devenir maître dans son art. Si l'un de ces points en revanche fait défaut ou n'est pas relié avec congruence aux autres, on risque vite la cacophonie ! Avez-vous l'impression que l'un d'eux est moins présent chez vous ? Ou que l'un prend trop souvent le dessus sur les autres de manière non souhaitée, non-souhaitable ?


Peut-être vous sentez-vous très à l'aise dans votre mental, développer des idées, analyser une partition mais poser des actes ou passer à l'action, chercher des subventions, aller voir un agent ou parler au chef d'orchestre vous semble difficile. Peut-être, au contraire, agir, vous impliquer, créer un spectacle vous semble facile mais vos émotions vous semblent trop envahissantes souvent dès qu'il y a un enjeu, sur scène par exemple ou face à des critiques.


Devant une nouvelle oeuvre, êtes-vous plus à l'aise à l'aborder partition et crayon en main, en s'y plongeant corps et âme et tentant d'y attraper le plus de notes possibles ou en s'attardant sur un passage spécifique qui vous fait particulièrement vibrer ? Et si les trois étaient compatibles ?


La croyance populaire nous fait imaginer qu'un mental d'acier nécessite un émotionnel plus fermé, que la performance peut être juste affaire de volonté ou que la créativité artistique ne se soucie que peu d'un équilibre de vie... Croyance populaire donc ! Et danger, soit d'un burn-out, explosant ou s'auto-sabotant face à un stress à outrance, soit d'un découragement mortifère, soit d'un conflit intérieur permanent.


Et si à l'instant votre émotionnel pouvait servir votre élan vital faisant lui-même réagir votre capacité analytique ?


Lorsque ces trois centres d'énergie sont équilibrés, ils permettent aussi d'atteindre l'état de flow, ce moment de grâce sur scène, en déchiffrant une partition, en improvisant ou ailleurs lorsque l'inspiration est aussi fluide que l'air qui parcourt les poumons. Comme en hypnose, on remarque souvent qu'on y est seulement quand on y est ! L'itinéraire, le chemin emprunté restent le plus souvent opaques voire inexistants. C'est qu'on n'y arrive pas avec le même GPS que celui qui nous guide ordinairement. Si je vous demandais comment faites-vous pour vous concentrer, que répondriez-vous ? L'enfant, comme l'adulte, sont souvent bien en peine pour définir cet état sans cesse sollicité. C'est que la concentration revêt chez chacun un cheminement très personnel. Au final, notre focus sera posé. Nous serons dans cet état où le temps et l'espace souvent semblent disparaître, comme lorsque nous sommes happés par un film, une histoire, la flamme d'une bougie ou le mouvement d'un bilboquet. Nous ne nous demanderons pas alors d'être "concentrés" ni comment nous y sommes arrivés. Mais qu'est-ce qui aura permis, qu'est-ce qui aura favorisé ou déclenché cet état qui n'appartient qu'à vous ? Parfois cela arrive par la musique elle-même. Sans savoir pourquoi ni comment. Aimeriez-vous le ressentir dès les premières secondes ? De manière plus permanente et récurrente ? En être l'auteur autant que l'acteur ?


L'hypnose permet au musicien d'accéder à cet endroit plus naturellement et plus souvent. Paradoxalement, c'est en explorant de manière inconsciente ses mécanismes inconscients qu'on parvient à maîtriser cet endroit subtil. Chez certains, l'état de flow commence par un phénomène physique. Pour d'autres c'est émotionnel. Rarement la concentration est un état tendu, contrairement à ce que l'on croirait. Lorsque l'esprit et le corps se tendent, c'est que le mental cherche souvent à contrôler.


Si vous voulez absolument viser le centre de la cible en ne portant d'attention que sur ce point à l'extérieur de vous, vous sortirez de votre alignement. Si au contraire vous vous reliez à l'archet, aux sensations, au geste de votre bras prenant de l'élan et à l'enracinement de votre corps s'ancrant à la terre, vous serez relié à votre potentiel. Indépendamment qu'il pleuve, qu'il vente, que le public tousse ou que le jury baille.


Jean-Philippe Vaillant, célèbre coach de sportifs, utilise le terme : inconsciemment compétent. Lorsque nous faisons par exemple notre signature, nous sommes inconsciemment compétents. Le geste précède la pensée et la question n'a plus lieu d'être. Souvent le musicien reste à l'étape précédente : consciemment compétent. C'est plus rassurant, on a l'impression de tout contrôler, on cherche perpétuellement la maîtrise par le mental, la perfection du résultat, comme un hamster dans sa cage ou Sysiphe sur sa montagne. Si cette étape est nécessaire à un moment donné de l'apprentissage, elle doit vite être dépassée. En effet, si je vous demande de reproduire la version exacte de la signature que vous venez de faire, dans les moindres contours, vous risquez au mieux d'y passer des heures sans résultat vraiment satisfaisant, au pire d'en être parfaitement découragé, voire dégouté. À cet endroit, Jean-Philippe Vaillant nous dit : "la technique est dans le jeu." Pas le jeu enfantin - quoique ! - mais celui du joueur de tennis, et le jeu du musicien instrumentiste, chanteur, chef d'orchestre et même compositeur. Le jeu du geste. Celui qui nous donne la direction avant qu'on sache à quoi ressemblera exactement la signature.


À mes élèves pianistes, je proposais souvent un exercice que j'intitulais : vite-lent. Celui-ci consiste à prendre un court élément d'un enchainement technique mais de le travailler à la vitesse maximale en cherchant avant tout le geste et dans ce geste la facilité (connexion avec le ressenti et le résultat sonore). Le corps peut alors se créer inconsciemment le chemin propice à la réalisation de ce court élément. Puis nous ajoutons un autre élément et ainsi de suite. Cela permet de garder une conscience rapide et surtout de solliciter l'inconscient dans l'anticipation du geste. À l'inverse je propose aussi un exercice lent-vite qui, lui, permet d'exercer consciemment l'esprit à anticiper. Jouant lentement, voire très lentement, il est demandé de ressentir à l'avance, de précéder en permanence ce qui suit. Penser vite, jouer lentement.


Nous savons depuis quelques années et de nombreuses expériences scientifiques, que l'inconscient précède largement notre conscient, autrement dit ce que nous prenons pour notre intelligence ! Lorsque nous observons quelque chose, que nous y posons un mot, nous sommes toujours en retard sur notre inconscient qui a déjà capté toute l'information. Une expérience en est particulièrement parlante : des centaines de gens ont été soumis à une alternance d'images stressantes et agréables. En posant des capteurs sur ces personnes, les scientifiques ont découvert que la réaction émotionnelle anticipait chaque fois de quelques micro secondes l'image. L'inconscient ressent donc juste avant que le conscient ne perçoive. Saviez-vous que lors des tsunamis, la plupart des animaux partent chaque fois en masse quelques heures avant la catastrophe ?


Il semble donc que, reliés à nos différents centres énergétiques, cette ingénierie humaine, nous augmentons la possibilité de nous connecter à notre plein potentiel.


Pour aligner au mieux ces trois centres d'énergie, une autre étape est aussi importante : celle de questionner ses valeurs. Ce protocole souvent utilisé en séance d'accompagnement, du simple coaching à l'hypnose, permet de se connecter à ce qui est le plus important pour soi, le moteur qui permettra de relier toutes nos facultés entre elles pour tendre vers cette même aspiration. Il ne s'agit pas ici de brandir les morales communes de "justice", "amour", "paix", "modestie" ou même "musique" en guise de valeur personnelle. Non, il s'agit de la chose la plus importante pour laquelle vous seriez capable de mourir ou de tuer ! Cette chose la plus intime qui donne tout le sens à votre réveil chaque matin et sans quoi vous ne seriez plus de ce monde. Alors, si la musique vous anime tant, qu'est-ce qu'elle suscite en vous ? Souhaitant y dédier votre vie, à quoi cet art vous permet-il de vous relier, à quoi vous fait-il accèder, profondément ? Il doit par ailleurs s'agir d'une valeur qui ne dépend que de vous. Une valeur dont vous êtes le centre, l'acteur principal. La caméra est tournée vers vous, en vous.


Alors, pour aller explorer cette facette de vous, amusez-vous à lister une vingtaine de mots qui vous semblent incarner au mieux ce qui compte le plus à vos yeux, à votre coeur, à tous vos ressentis. Puis choisissez-en deux. Pas plus ! De ces deux-là, continuez à passer au tamis ce qu'il y a derrière chacune d'elles et imaginez que vous ne pouvez continuer votre chemin qu'avec l'une d'elles. Interdiction de poursuivre avec les deux ! Pas un pas de plus... Jusqu'à où êtes-vous prêt à aller pour la "liberté" ? Si votre deuxième valeur est l'art, pourriez-vous y renoncer dans un contexte où cela compromettrait une partie, aussi infime soit-elle, de votre liberté ? D'ailleurs qu'y a-t-il derrière "liberté", jusqu'où, comment, combien ? Quel genre de liberté ? Qu'est-ce que cela produit comme émotion chez vous ? Si c'est le plaisir, de quel plaisir s'agit-il ? Suscité par quoi ? Et si c'est un lien avec vos enfants, qu'est-ce exactement qui vous anime ? Quelle est la valeur que cela permet ?

Peut-être vous sembleront-elles complémentaires mais en réalité il y en aura une (souvent une nouvelle qui émerge) qui sera la number one ! Elle provoquera une certitude, un apaisement peut-être, un inconfort parfois, une surprise sans doute ! La sensation en tous les cas de vous rencontrer dans votre nature propre, quoi qu'il puisse se passer dans le paysage extérieur. C'est à partir de celle-ci que vous saurez vous aligner au mieux dans vos actions, vos pensées comme vos émotions. D'ailleurs c'est souvent en questionnant ses émotions et ses actions (avant la pensée) que vous saurez ce qu'elles racontent de la valeur qui vous porte, mystérieuse et intime. Votre émotion vous dit qui vous êtes, l'histoire que vous vous racontez. Donc vos croyances. Et donc ce que vous venez transmettre au monde de plus singulier. En retournant à l'origine de ce qui vous anime, vous serez l'artiste de votre vie, en toutes choses. C'est à partir de ce trésor d'alchimiste que vous pourrez créer et réaliser tout ce qui vous traverse.


Il y a dans la valeur qui nous habite, notre nature profonde, ce talent tel que le définissait Jacques Brel avec beaucoup de sérieux en décrivant un homme qui aurait l'envie de manger un homard. "Comprenez, disait-il, que cet homme aura toujours le talent de savoir comment savourer ce homard. Parce qu'il en a envie, que c'est son rêve à cet instant-là !"


Bien sûr, ce protocole est réellement puissant en séance individuelle puisque l'accompagnant permet ce jeu de ping-pong, ce regard extérieur et bienveillant en même temps qu'une connexion différente à soi-même, plongé dans un état modifié de conscience lorsque le praticien utilise les outils d'hypnose.


Une autre coach, experte du succès, me répétait sans cesse : "on a toujours les capacités de son rêve". En effet, c'est souvent son rêve qui manque d'être défini, précisé, congruent. Au-delà d'un objectif sur un court-terme telle que peut prendre la forme d'une séance d'hypnose, c'est un lieu incontournable car il crée le lien entre le ressenti que suscite ce mot dont vous savez à quoi il correspond et la direction, cette boussole, qui vous permet d'être aligné dans vos actes, vos pensées et vos émotions, en toute circonstance. Que vous le nommiez rêve, motivation, valeur, moteur, nature... Allez à sa rencontre !


Il arrive souvent que l'on commence par ne pas oser avouer son rêve, comme pris en flagrant délit d'orgueil ! Alors qu'il est la clef, le point de départ justement de la connaissance de soi, de son talent. Au final, quelle plus grande humilité que d'oser être soi ?


Il n'est alors plus question d'"échecs" ni de "réussites" mais d'un parcours où chaque étape permet de s'affiner d'avantage dans la réalisation du musicien que l'on est. Souvent je me suis posée la question sur ce qui permettait à un champion de tennis, tel que Nadal ou Federer de poursuivre, après un échec cuisant, eux qui sont tant habitués au succès. Ni complètement effondrés, ni complètement indifférents. Voilà l'état juste et propice qu'ils entretiennent lors de ces épreuves. Elles deviennent alors une occasion d'évolution, de transformation et de progression sur un chemin animé par la chose la plus importante qui les anime : leurs valeurs.


En étant aligné dans ces trois centres énergétiques, reliés à votre moteur et conscient de cette direction, la musique peut alors se savourer comme un homard ! Avec le sérieux d'un enfant qui joue...



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