"Entre la peur et le fil, concentre-toi sur le fil". C'est ce qu'écrit le célèbre funambule Philippe Petit.
Voilà en quelques mots ce qu'est l'hypnose...
Sur quoi posez-vous votre attention ? Comment dirigez-vous vos pensées ?
On dit que nous avons à peu près 80 000 pensées par jour qui sont à 95% les mêmes que la veille. Prendre sa douche, vérifier ses mails, faire un tour sur Facebook, aller à son instrument, prévoir telle échéance, se trouver toujours le nez trop gros ou les jambes trop petites, ce pantalon qui décidément ne sortira jamais du placard... et surtout penser à changer ceci ou cela ! Prendre rendez-vous avec soi-même ressemble parfois à un post-it de notre inconscient affiché sur la porte du frigo.
Même processus dans une interprétation musicale, dans une façon de travailler ou de jouer les mêmes passages pour lesquels souvent nous pouvons recréer les mêmes pensées : je ne dois pas confondre cette transition avec l'autre ! ah, voilà le passage tellement délicat où je me sens comme sur des oeufs ! ne pas rater ce troisième doigt de l'arpège... jamais réussi à jouer toutes les notes de celui-là...
L'inconscient ne fait pas la différence entre la négation et l'affirmation. N'imaginez pas un éléphant en tutu rose jouant de la musique à l'instant. Ne l'avez-vous bien pas imaginé ?!
À présent, imaginez : Je ne dois pas me tromper ! C'est pas mal ! Ne t'inquiète pas ! C'est pas désagréable ! Pour la énième fois, ce n'est pas un do bécard !
Ainsi, chaque pensée que nous émettons produit déjà, en soi, un filtre sur la réalité que nous choisissons de percevoir. Je vois ce que je suis. Vous est-il déjà arrivé de recevoir une nouvelle si merveilleuse, de vous sentir tellement amoureux, séduisant, d'être récompensé d'un prix vous donnant l'impression d'être chanceux et vous voilà à danser dans les rues, à poser un regard doux et bienveillant sur les gens, tout du moins curieux, détendu, sans attente... À l'inverse, sortant d'une mauvaise nouvelle, vous sentant accaparé par une situation qui semble s'amplifier d'heures en heures, tout vous semble insupportable, les gens dans la rue sont tous énervés, tendus, et les questions existentielles "je n'y arriverai pas" pointent leur bout du nez en même temps que le corps pousse ses soupirs bien connus d'acquiescement.
Einstein disait que c'était un signe de grande folie que de répéter la même chose en imaginant qu'elle produira un résultat différent. C'est que parfois, pris dans un mécanisme, on ne sait plus faire un pas de côté, prendre de la hauteur. Comme l'ironisait Woody Allen : "Faites arrêter la terre de tourner, je veux descendre !"
Un ami chef d'orchestre me disait récemment : "mais nous ne sommes pas des ordinateurs, comment veux-tu décider quoi ou comment penser ?" Justement ! Nous ne sommes pas des ordinateurs mais des antennes, disait Einstein. Si ce n'est pas vous, qui vous permettra, qui vous autorisera à penser comme vous le souhaitez ? Et si vous n'êtes pas des ordinateurs, qui a le pouvoir sur vous ? Certaines personnes vont réagir à une fleur avec indifférence, d'autres avec émerveillement, encore d'autres avec mélancolie, tristesse, dégoût ou allergie. Est-ce la faute de la fleur ? A-t-elle réellement ce pouvoir de vous faire ressentir cela ou votre état était-il déjà propice ?
L'artiste a ce privilège immense de faire de sa vie une mise en abîme de la vie : comme le menuisier façonne le bois, l'artiste - qu'il soit comédien, musicien, danseur, peintre, écrivain... - façonne l'émotion.
Si l'émotion créée par une harmonie, par un son, est réelle, ce qui l'a produit est pure création. Si je suis capable de danser dans les rues en posant un regard amoureux sur chaque chose à la suite d'un événement heureux, ne puis-je donc pas reproduire cet état que je connais, indépendamment de la météo ?
Le sage dit : "dans la joie de revoir un ami, concentre-toi sur la joie, pas sur l'ami."
Ce qui émouvra quelqu'un ne touchera pas un autre - et vice et versa. Cela vous est-il déjà arrivé de faire écouter une Mazurka de Chopin à un adolescent n'ayant absolument jamais entendu une note de musique classique (du moins le croyant !) et ayant de forts préjugés à cet égard ? Il y a fort à parier qu'il puisse trouver cela simplement ennuyant selon les circonstances et la façon dont il l'écoute. Pourtant, le même morceau, le même interprète et un autre auditeur sera en larmes ou en joie...
Être une antenne, c'est justement capter avec la plus grande acuité ces émotions puis observer quelle perception de la réalité elles m'amènent à voir.
Une émotion dure un instant plus ou moins très court. Une fois prolongée, elle devient un sentiment : sentiment d'amour, de frustration, de colère, d'amitié, de gêne, de peur, de joie, de jalousie...
C'est alors que commence le processus plus ou moins inconscient qui consiste à dérouler la pelote de laine.
"Change une habitude et tu changeras un comportement, change un comportement et tu changeras un caractère, change un caractère et tu changeras une destinée." Une fois dit, on peut avoir une volonté de fer et ne pas y arriver. C'est simplement que d'un bout à l'autre du fil, quelque chose n'a pas encore été complètement dénoué.
"D'où viennent les croyances" ressemble un peu à "d'où vient le vent", n'est-ce pas ? Pourtant, les croyances sont autant de mécanismes que ceux d'apprendre à utiliser une fourchette, à manier un stylo, à parler, à faire de la musique. Sauf que les croyances sont le plus souvent mises en place par des fonctionnement inconscients. Avoir eu peur une fois, enfant, de traverser la rue aux bras d'un adulte réprimandant ou en s'approchant d'une flamme dangereuse nous permet d'ancrer certains comportements utiles. Une fois adulte, si vous n'êtes pas un ordinateur, vous êtes l'auteur de votre partition, l'interprète de votre vie, le chef de votre symphonie et vous pouvez peu à peu observer si certaines croyances sont toujours utiles et vous font du bien, ou non. Par des techniques issues notamment de programmations neurolinguistiques et d'hypnose, la transformation peut alors commencer à s'opérer. Parfois le simple fait de comprendre, d'y voir le sens, suffit. D'autres fois, des processus plus inconscients sont nécessaires. Comme le chef de votre propre orchestre, vous pouvez décider, non pas d'annuler ou de nier la présence d'un instrument, mais choisir le meilleur équilibre : un peu plus de ça, un peu moins de ça... Alors une nouvelle perspective permettra à l'oeuvre de prendre toute sa dimension, toute son ampleur et naturellement les phrasés seront plus fluides et convaincants.
Alors, que croyez-vous vraiment de vous-même ?
Quel regard portez-vous sur vous et vos capacités, votre futur, votre passé, la personne que vous êtes ?
Allons un peu plus loin !
Juste un instant...
À présent, c'est le moment de se reconnecter pleinement à sa respiration.
Te rappelles-tu la toute première fois où tu es entré en contact avec ton instrument ? Et plus avant encore, la toute première fois où tu as rencontré la musique, les sons ? Pour certains, il s'agit d'un temps prénatal, dans le ventre de leur mère écoutant certaines musiques... Pour d'autres c'est arrivé plus tard, une rencontre comme une évidence, lorsqu'on croise le chemin de son âme sœur, lorsqu’on découvre un pays où l’on se sent chez soi, cet endroit où ça vibre à en faire éclater le cœur !
Comme le souffle des mers, écoute ta respiration.
Comme les battements du tambour, ressens le rythme de ton corps.
Les pieds au bout des jambes, la tête en train de lire ces lignes, une autre partie peut se libérer comme elle sait le faire. Alors la caméra se dirige d'une façon toute nouvelle.
C'est le début de l'exploration, la genèse de ton instrument...
Embrasse ton émotion.
Comme les premières notes de l'univers, les premières résonances de la terre, les flux et reflux des océans, les airs, les marées, les bouleversements et les étoiles qui scintillent. Depuis l'espace entre tes doigts jusqu'au chant de tes organes, il se trouve une multitude d'agencements.
On dit que la matière émet une fréquence. De fait, ton corps émet une vibration. Comme une couleur, cela correspond à une harmonie, une note fondamentale. Si tu écoutes ton âme, quelle mélodie sonne-t-elle ?
Dans certaines traditions ancestrales, des hommes et des femmes vivent des transes et virevoltent au son des percussions. Leurs corps deviennent de grandes secousses, des cascades les reliant de la terre au ciel, à un animal ou autre chose. Bien ancrés dans le sol, ils sont réceptifs aux plus subtiles énergies...
Les grandes inventions sont souvent nées d’étincelles minuscules, frêles, vacillantes, incertaines. Avant le feu et les grandes flammes, c’était de toutes petites brindilles étoilées, de tous petits craquements, à peine perceptibles, comme les lents bruissements de l’univers.
Une allumette qui s’allume, ce crissement... et c'est le feu d’artifice qui explose comme un big bang ! Comment était cette plume si fine de Leonard de Vinci pour écrire ses plus puissantes découvertes ? À quoi ressemblait son pinceau le plus fin pour peindre ses plus grandes toiles ?
Ouvre ton imaginaire.
Place cette étincelle de toi devant toi. Laisse-là te regarder. Elle. Pas toi.
Laisse-là danser tout autour de toi, se rapprocher et s'éloigner, célébrer ta vibration et se réjouir de cette profondeur qui t’habite.
Comment te perçoit-elle ? Que ressent-elle ? Qu’attend-t-elle de toi ?
Partant du pinceau puis remontant, pas après pas, geste après geste, à quoi ressemble ce maître qui le manie ? Quels réglages internes pourraient être ajustés, telle une table de mixage, pour affiner encore mieux toutes les commandes, toutes ces manettes entre la prise de décision et l'acte ?
Laisse infuser. Ressens combien c’est agréable.
Jusqu'où peuvent te mener tes antennes dont parlait Einstein ? À l'intérieur du son ? À l'intérieur de tes poignets, de tes doigts ? Partout dans la salle de concert en hyper présence ? Hors du temps ? Vois-tu l'instant d'après juste avant qu'il ne précède le suivant ? Comme une tour de contrôle, comment est-ce pour toi de diriger ces antennes, de choisir leurs directions, leurs émissions, leurs déploiements ?
Sais-tu combien de battements de coeur tu as produit depuis quelques instants, combien de respirations tu as effectué ? T'es-tu demandé ce que sentait l'air qui sortait et entrait de tes narines juste maintenant ? Pourtant cette ingénierie est parfaite. Et plus encore : à travers toi, elle est unique.
Si je te demandais combien de notes tu as joué dans toute ton existence jusqu'à maintenant, cela te semblerait inconcevable. Combien d'heures et de minutes transportes-tu avec toi en chaque instant de ta vie ? Une partie de toi le sait, gardienne de connaissances, d'expériences, d'apprentissages...
Et si, pour tenir en équilibre sur le fil du funambule, il te fallait autant de cette sensibilité, de cette vulnérabilité et de cette légèreté que de cette témérité, de cette force et de cette puissance qui t'habitent ?
Ne seraient-elles pas, alors, les deux faces d'une même pièce ?
Belle et grande journée, au fil de tes notes - inspirantes et inspirées !
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